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          Un beau jour de l'année 1964, le 19 septembre pour être précis, le public américain vît fleurir sur son petit écran la série Flipper le dauphin. Familiale à souhait, cette dernière relate les aventures de la famille Ricks, à savoir Porter, le père, responsable du parc aquatique Coral Key en Floride et de ses deux fils, Sandy et Bud. Cependant, le véritable héros de ce programme est Flipper, dauphin tursiops, apprivoisé à merveille par Bud et venant en aide aux nageurs et naufragés.
     
          N'est-ce pas un tableau attendrissant? Un dauphin sauveur, épris d'un amour inconditionnel pour l'homme? Certes, certes, certes...le problème étant que le pas, entre fiction et réalité, est très vite franchi par le public, succombant naïvement à la force obscure de la télévision. Ainsi, quelques épisodes plus tard, les téléspectateurs s'ancrèrent à l'esprit que tous les dauphins, sans exception bien évidemment, étaient des êtres joueurs, rieurs, courageux, adorant l'être humain, gentils, clownesques, farceurs...bref, un culte assourdissant de naïveté vînt bafouer la réelle nature du dauphin. Une nouvelle star naquit ainsi et, croyez-moi, l'occasion était trop belle pour passer inaperçue!
     
          Ainsi, dans quelques bureaux, ou autres lieux dévoués aux rois sans foi ni loi de la finance et du commerce, arborant des rétines luisantes de profit, une large entreprise naquit, afin de profiter au mieux, pécuniairement parlant bien entendu, de l'essor de cette nouvelle vedette. De multiples produits dérivés firent leur apparition: peluches, figurines, vêtements, posters...tout semblait convenir pourvu que l'effigie de Flipper le dauphin y soit visible et flamboyante. La création et mise en vente de ces objets, élargies peu à peu à l'image du dauphin en général, auraient put convenir, mais voyez-vous, là où l'argent demeure, il n'y a nulle limite! C'est alors, que les delphinariums, présents en très petit nombre avant la diffusion de la série (arrivée en France le 13 novembre 1966), se multiplièrent, présentant de nombreux shows où dauphins et soigneurs perpétuaient et alimentaient l'image déformée du cétacé sauvage, devenu vulgaire bête de foire aux yeux des foules en délire.
     
    art flipper
     
          Pendant ce temps aux quatre coins du monde, un large commerce de l'horreur s'organisait. Pensez-vous bien que, pour alimenter le « mythe Flipperien », il fallait des dauphins, des centaines et des centaines. La naissance de la chasse massive des cétacés naquît ainsi, dans un bain de sang sans pareil, où quelques spécimens se voyaient épargnés pour aller mourir dans un bassin miteux, assourdis et désorientés par les cris des spectateurs. Ces morts innombrables provoquèrent le bonheur des ces hommes détenant les rênes de ce commerce florissant car oui, croyez le ou non, l'homme tue pour s'enrichir...Ainsi, les pièces sonnèrent et trébuchèrent grâce à ce macabre et funeste spectacle, né d'une stupide série télévisée.
     
    article flipper 2
     
          Alors que le public se voyait toujours plus heureux de pouvoir admirer en vrai le « Flipper de la télé », Richard O'Barry fut appelé en urgence. Ce dernier était le soigneur des cinq dauphins se partageant le personnage de Flipper. Il les avaient lui-même capturés et dressés pour les besoins de la série, restant avec eux durant toute l'existence du programme. Il vivait ainsi dans la cabane que l'on peut apercevoir dans la série, les dauphins étant dans le petit bras de mer baignant l'habitation. Il raconte d'ailleurs que, chaque vendredi soir, à 19h30, il amenait la télé jusqu'au bout du dock pour que Flipper puisse se voir à la télévision. « C’est là que j’ai compris que les dauphins étaient conscients d’eux-mêmes. Je pouvais dire lorsqu’ils se reconnaissaient. Par exemple, Cathy reconnaissait les plans dans lesquels elle jouait. Suzy reconnaissait les siens, etc. ».
          Mais revenons un instant à l'urgence de l'appel. Les dauphins, à la fin de la série, furent transférés dans un delphinarium, afin de finir leur vie en captivité, état bien plus appréciable que leur liberté passée, vous en conviendrez! L'appel provenait de ce delphinarium. Cathy, anciennement Flipper, refusait toutes alimentations, restant immobile dans son bassin, déprimée. Ric vînt immédiatement, trouvant là une Cathy qui n'était plus que l'ombre d'elle-même. Plongeant dans le bassin, elle nagea vers lui pour venir entre ses bras. A cet instant, elle prit une respiration, plongea son regard profondément dans celui de son soigneur avant de replonger. Ce fut sa dernière respiration... « Cathy est morte dans mes bras. Elle s'est suicidée. » (Ric O'Barry). Le mot n'est pas trop fort, sachez-le et d'ailleurs, Ric O'Barry l'exprime parfaitement. « Les dauphins, à la différence des humains, ne respirent pas automatiquement. Chaque inspiration est pour eux un effort conscient. Cathy m’a regardé dans les yeux, a pris une respiration, l’a retenu – et elle n’en a plus pris d’autre. Elle s’est laissé couler au fond de l’eau. Cela m’a profondément affecté. ».
          Dès le lendemain, Ric se trouvait à la prison de Bimini (Bahamas), œuvrant pour la libération d'un dauphin. Depuis ce jour, ce soigneur est devenu le chef de file du combat pour la préservation des dauphins et cétacés, menant de multiples actions grâce à ses associations Dolphin Project et Save Japan Dolphins et est notamment à l'origine du documentaire The Cove, la baie de la honte, 2009 .
     
     
    fin flipper
     
          Ainsi, une simple fiction a engendré, ou du moins a largement participé, au trafic immonde et innommable qui s'organise autour des dauphins. Servant les intérêts financiers de groupes multi-milliardaires, des milliers de dauphins sont tués chaque année, pour permettre à l'entreprise des delphinariums de prospérer, à l'image du Marineland d'Antibes, du parc Astérix ou de Sea world (Etats-Unis) pour ne pas les citer. Il est urgent de comprendre que les dauphins ne répondent en rien au nom de Flipper et qu'ils ne ressemblent absolument pas à cette image fabriquée, destinée à récolter les deniers des populations. Ils sont sauvages et doivent le rester!
          Voyez-vous, la chose peut sembler risible. Un public, des peuples entiers qui érigent comme vraie une image de télévision, se laissant aveugler par un produit commercial, rien de plus. Cependant, souvenez-vous en lorsque, heureux et impatients, vous irez vous presser à l'entrer d'un delphinarium...vers laquelle de ces images votre esprit voguera t-il...Flipper ou le véritable dauphin qui peuple les mers, libre...sauvage...?

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